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Dans les secrets de l’Alchimiste Torréfacteur…

16 octobre 2014
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Par un beau matin d’octobre, je franchis les grilles de la Caserne Niel, avec pour objectif ambitieux de percer les secrets de L’Alchimiste Torréfacteur, ce magicien dont on me parle tant, qui a réussi (entre autres) à nous faire redécouvrir (et apprécier) le café filtre.

C’est un vrai microcosme qui s’ouvre à moi. Ecosystème, pépinière, incubateur de talents, haut lieu branché bordelais… appelez-le comme vous voulez, Darwin se réveille et fourmille déjà. Sous l’immense halle du Magasin Général, Arthur Audibert, 35 ans, alias L’Alchimiste, a posé ses valises, ses sacs de café et sa gigantesque machine du genre à remonter le temps à l’extrémité du comptoir, parfaitement intégré au décor, mais néanmoins isolé dans son antre mystérieuse.

Qui se cache derrière L’Alchimiste ?

Un grand, très grand gaillard m’attend au comptoir. Regard clair, sourire franc et chaleureux, une assurance naturelle émane de lui, avec un petit je-ne-sais-quoi d’un savant fou déluré (les cheveux ondulés ?) et un faux-air de Vincent Cassel. Bordelais d’origine, Arthur a radicalement changé de vie il y a deux ans, en passant d’une existence parisienne vouée à la prestation intellectuelle, à celle de torréfacteur artisanal et passionné, revenu sur ses terres bordelaises.

Le déclic ? Il évoque avec humour l’émission « Fourchette & Sac à dos » de Julie Andrieu à New York, notamment au Blue Bottle Coffee. « Ils choisissent leur café, le torréfient eux-mêmes, ils aiment ce qu’ils font. Ce n’est pas juste un coffee shop mais un concept qui englobe toute la chaîne de production du café, c’est très pointu ». Arthur a surtout besoin d’évoluer vers une activité correspondant à ses valeurs, besoin de concret aussi. Il aime les produits du terroir, le vin, la bouffe, les amis… Il commence à s’intéresser au café, approfondit le sujet au cours de ses voyages en Australie, à New York, Boston, San Francisco, au Danemark, à Londres.

Sa décision est prise, il cherche alors à se former. Et qui mieux que le Meilleur Torréfacteur de France élu en 2011 pour assurer cette mission ? C’est auprès d’Antoine Nétien, fondateur de Coutume Café à Paris, qu’Arthur va faire ses armes. Passionné,
engagé, médiatisé, Antoine Nétien voyage, se remet sans cesse en question, toujours en quête de perfection. Il est un des leaders de la vague de passionnés de café dont l’ambition est l’amélioration permanente de sa qualité et de sa perception.

Le reste est une succession de bons enchaînements. Un complément de formation de barista, une belle rencontre avec Philippe Barre, fondateur de l’Ecosystème Darwin, et Arthur s’installe en juin 2014.

A la mode L’Alchimiste ?

Plus qu’une mode, on parle de vague, la « troisième vague » de l’industrie du café. La première vague remonte aux 50-60’s, où l’on consomme du café en masse, pas pour son goût mais pour son effet. La deuxième vague sacralise l’expresso dans les 70-80’s, avec l’apparition des grandes chaînes comme Starbucks, vendant un café de meilleure qualité. La troisième vague est née dans les années 2000, aux Etats-Unis, poussée par des amateurs capables de reconnaître une variété de grain par rapport à une autre. On met alors en avant la notion de terroir pour le café, comme pour le vin. Un café c’est un terroir, une variété botanique, une altitude et un climat. On tend vers la haute qualité, le respect du produit, l’engagement véritable.

C’est aussi la fin du monopole de l’expresso, avec le retour des méthodes douces, des infusions, comme le café filtre.

A la question « qu’est-ce qui différencie L’Alchimiste des torréfacteurs traditionnels ? », Arthur répond sans hésiter qu’il met en avant une sélection de cafés de terroirs dont il connait chaque caractéristique, avec une gamme réduite, pas de stock, et une torréfaction à la demande, produisant ainsi du café toujours frais (la date de torréfaction est d’ailleurs marquée sur chaque paquet, avec le nom du terroir et son altitude).

La minute technique – ou comment faire un bon café

Rentrons un peu dans le vif du sujet : comment fait-on un bon café Monsieur L’Alchimiste ? Le début de l’histoire est évident : il faut partir de grains de bonne qualité. Tout est dans le choix d’un bon importateur, puisqu’il est difficile pour un torréfacteur indépendant de traiter en direct avec les fermiers. Arthur a trouvé le bon partenaire, ils échangent, dégustent, sélectionnent main dans la main.

Le café est essentiellement cultivé sur la bande équatoriale, en Amérique du Sud et Centrale, en Afrique et en Asie. Les cerises sont récoltées à la main, puis travaillées de deux manières différentes. On parle de « café lavé » quand les cerises sont trempées dans des rigoles d’eau pour évacuer les baies pas assez mûres, triées, passées à la dépulpeuse pour ne garder que le grain, puis fermentées. Une méthode sûre mais très consommatrice d’eau. On parle de « café nature » quand les cerises sont mises à sécher au soleil, régulièrement retournées, puis « dépulpées » une fois sèches.

Arthur utilise ces deux types de cafés, bien que le café nature soit plus rare et puisse présenter certains défauts.

Il reçoit les grains verts qui, croyez-le ou non, sentent plutôt le foin ou les céréales que le café tel qu’on le connait !

Vient alors la torréfaction, que notre alchimiste réalise à la demande dans sa machine de savant fou, scrupuleusement guidé par son ordinateur, un oeil rivé sur les courbes de températures des grains et de la machine, l’autre sur le chronomètre. On torréfie espèce par espèce, par broche de 9-10kg. La cuisson dépend de la taille des grains, et la torréfaction est différente en fonction de son utilisation. Plus on cuit, plus le café est amer. Moins on cuit, plus il est acide.

Côté sensations, l’instant où les grains passent de vert à noir, que l’on appelle le « point jaune », exhale des senteurs de pain grillé, c’est tout à fait charmant. Tout l’enjeu sera de s’arrêter au bon moment.

Pour un expresso, Arthur réalise des assemblages de plusieurs terroirs, dans une démarche toute proche de celle du vinificateur. On assemble un café qui a de la fraîcheur avec un autre qui lui confèrera une belle acidité. On analyse les arômes, on met à contribution ses sens. Saviez-vous qu’il y a plus d’arômes dans le café que dans le vin ? On en dénombre 800 contre 650 pour le vin.

Pour les cafés destinés à des méthodes douces (filtre, piston, Chemex…) Arthur privilégie les « mono-terroir », comme par exemple le « Chire », un moka provenant d’Ethiopie et cultivé à 2000m d’altitude, en encore le « Manzano », un bourbon rouge arabica « nature » du Salvador, cultivé à 1500m d’altitude.

Bonus de L’Alchimiste : le café filtre, c’est bon

 

Maintenant vous comprenez pourquoi on peut aussi prendre du plaisir à déguster un bon café filtre – exit le jus de chaussette Grand-Mère rouge – à condition de respecter un certain rituel :

1. Munissez-vous d’une belle cafetière type Chemex, la crème du design.

2. Mouillez le filtre à l’eau chaude (pas bouillante) une première fois, pour rincer le papier et préchauffer la cafetière.

3. Dosez votre café mono-origine brillamment torréfié par L’Alchimiste en comptant 300ml d’eau pour 20g de café et disposez-le dans le filtre.

4. Arrosez d’eau chaude tout doucement en faisant des cercles.

5. Patientez 3 à 5 minutes. Dégustez. Appréciez. Vous sentez ces arômes fruités et gourmands ?

AH, et une dernière chose : à la question « doit-on sucrer son café ? », Arthur se retient pour hurler NONNNNNNNN, mais avance poliment que si on a l’habitude de beaucoup le sucrer, mieux vaut réduire légèrement la dose pour mieux s’imprégner des arômes. Le sucre a longtemps été utilisé pour masquer l’amertume d’un café beaucoup trop cuit 😉

L’Alchimiste Torréfacteur
DARWIN — 87 Quai des Queyries
33100 Bordeaux
www.alchimiste-cafes.com
contact@alchimiste-cafes.com
Facebook Pour les Bordelais, n’hésitez pas à passer au Magasin Général pour boire un café, faire vos provisions ou simplement dire bonjour à Arthur. Pour les autres, son eshop est en ligne 🙂

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