Adresses Chroniques

Bordeaux, nouvelle terre d’asile pour jeunes chefs talentueux ?

2 mars 2015
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Prenez le guide du Fooding 2015. Il recense à l’échelle nationale les tables (branchées) pas forcément étoilées, où l’on a envie de retourner manger. 400 adresses à Paris… 400 adresses dans tout le reste de la France ! Dont seulement 14 à Bordeaux.
Dans le train pour Paris, où m’attendait dernièrement un véritable marathon gastronomique (au cours duquel je n’aurais assurément pas assez de 4 déjeuners et 3 dîners pour tester les 78 restaurants et cafés repérés), je commençais à m’interroger.
Pourquoi, dans une ville en plein essor comme Bordeaux, n’a-t-on pas une telle frénésie autour de nouvelles adresses, de nouveaux chefs, de nouveaux concepts ? Le clivage Paris/province serait-il toujours d’actualité ? De retour en Gironde, je décidais d’aller chercher mes réponses directement auprès de ceux qui pourraient faire bouger les choses : cette tribu de jeunes chefs talentueux qui vient de poser ses valises à Bordeaux.

Ils ont entre 30 et 40 ans, sont originaires de Périgueux, Paris, Annecy ou Rennes, voire de Hong-Kong, du Japon, d’Israël, de Nouvelle-Calédonie et du Vietnam. Ils ont en commun un parcours dans la haute gastronomie, ayant fait leurs armes auprès de Michel Bras, Alain Passard, Alain Ducasse, Georges Blanc, Joël Robuchon, Michel Rostang ou Guy Martin… Un jour, ils ont eu envie, seul, en couple, entre amis ou même en binôme de couples, de changer de rythme et d’exercer leur métier de restaurateur comme ils l’entendent, dans leur propre (petite) structure, à échelle humaine. Et ils ont choisi Bordeaux.

Vous voyez de qui je parle ? Miles, Le Chien de Pavlov, Garopapilles, Dan, Soléna, le … ces adresses qui commencent à résonner (ou qui résonneront bientôt) aux oreilles des Bordelais.

Leur cuisine ? « Une carte courte, des produits frais et de saison. C’est un concept dans l’air du temps, mais qui permet de concentrer notre énergie sur peu de plats et d’aller à l’essentiel », avance Grégoire Rousseau, Chef du Hâ, qui ouvrira au printemps. « Il existe une incroyable diversité de produits dans la région, précise Mary Henchley du Chien de Pavlov. L’ambiance décontractée, le cadre convivial, la cuisine ouverte ou le comptoir, n’empêchent pas le sérieux en cuisine. » On flirte donc avec la haute gastronomie, seulement elle y est comme décomplexée, libérée.

Mais pourquoi Bordeaux ? « Parce que j’ai imaginé que c’était l’endroit parfait pour trouver tout ce dont j’avais besoin pour m’épanouir », m’explique Tanguy Laviale, Chef de Garopapilles. Pour Arnaud Lahaut du Miles, « Bordeaux a tous les avantages d’une grande ville, sans les inconvénients. Ici on respire, la mer et la montagne ne sont pas loin, la ville est dynamique et communique à l’échelle internationale. »

Le cadre de vie ! On y vient. C’est ce qui fait rêver les Parisiens. Pour les restaurateurs, c’est la même chose ! Certains n’ouvrent d’ailleurs pas le week-end, pour préserver leur vie de famille, d’autant que beaucoup sont parents de jeunes enfants. On est loin du rythme effréné des grandes brigades.

Moins de concurrence qu’à Paris ? Si Bordeaux compte le plus grand nombre de restaurants par habitant, tous ne brillent pas par leur qualité et leur authenticité. Il fallait donc « dépoussiérer ».

Alors oui, il reste tout à faire et oui, d’une certaine manière, c’est plus facile de se faire repérer à Bordeaux qu’à Paris, où on est vite noyé dans la masse. Quoi que, à l’heure de la gastronomie mondialisée, c’est la sincérité de la démarche qui incite les gastronomes à se déplacer (dixit Tanguy Laviale). Il y a d’ailleurs toujours eu de grands chefs installés en province. Quant à la concurrence qui pourrait sévir entre eux, « elle est très saine, avance Jérôme Billot de Dan, elle nous pousse à nous dépasser et à avancer toujours plus loin. »

Tous sont unanimes sur un point : la clientèle est, elle aussi, en pleine évolution. Elle devient cosmopolite, plus curieuse. C’est la dynamique générale qui crée le mouvement.

Ce qui est sûr, c’est que de talentueux jeunes chefs ont adopté Bordeaux, qu’ils se stimulent les uns les autres, créant l’envie et sûrement d’autres vocations. D’ailleurs la prestigieuse école de cuisine Ferrandi n’a-t-elle pas ouvert un master à Bordeaux ?

Peut-être que bientôt, avec la LGV dont on parle tant et Bordeaux à 2 heures de Paris, ce seront les Parisiens qui s’engouffreront dans ce même train pour découvrir notre vivier de jeunes chefs et d’adresses branchées.

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