Chroniques

Gaspillage alimentaire, parlons-en !

12 juin 2015
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Je vous vois venir. Le gaspillage alimentaire ? Pas concerné(e) ! Ne me dites pas que vous n’avez jamais jeté (très discrètement évidemment) des produits emballés que vous aviez complètement oubliés au fond du frigo ? Même moi, qui me considère comme un exemple en la matière – en toute modestie – je ne suis pas très fière mais je l’avoue, ça m’est arrivé. J’en avais mal au ventre mais ça m’est arrivé.
Et au supermarché. Vous n’avez jamais discrètement écarté les fruits et légumes moches au détriment de ceux qui sont bien fermes, ceux qui brillent ? Alors cet article vous concerne. Chaque Français jette en moyenne 30kg de nourriture par an, dont 7kg encore emballée, soit un coût de 500 euros par foyer par an. Quand on voit que la pauvreté ne cesse d’augmenter, et avec elle les difficultés rencontrées par de plus en plus de Français pour se nourrir correctement, on mesure les enjeux.
Si le gaspillage alimentaire est au cœur du débat, les actions de sensibilisation se multiplient. Ce mercredi 03 juin se tenait à Bordeaux Gaspi’délices, le grand banquet des invendus organisé par la Maison des 5 Sens et REGAL (Réseau pour Éviter le Gaspillage Alimentaire), dans le cadre de l’événement « Mangeons bon, bien et pas loin ». J’y étais. Je vous mets dans l’ambiance.

Il est 11h00. Les quarante cuisiniers et bénévoles s’affairent dans tous les sens sous le chapiteau de la Mairie. Ca gratte du radis à tout-va, ça pèle des pommes, ça équeute des fraises, ça émince des poireaux, ça hache de la viande… Il va en falloir des ingrédients si on veut remplir les objectifs ! 8000 portions réalisées avec les invendus de supermarchés partenaires. Voilà ce que veut offrir Olivier Straehli, le chef de la maison de quartier de Saint-Augustin, aux Bordelais curieux qui commencent à s’amasser place Pey-Berland. Mieux qu’à Lille en 2014, où ils ont distribué 5000 portions lors de l’émission « Les chefs contre-attaquent » sur M6. On se croirait presque dans une sorte d’Intervilles du gaspillage alimentaire.

Si Olivier n’a pas pu mobiliser la télévision ce coup-là, il a rameuté tout son réseau de chefs amis pour faire de cet événement un succès. Parmi eux, de grands noms de la gastronomie bordelaise, comme François Adamski, Meilleur Ouvrier de France et ancien chef du Gabriel, qui réalise pour l’occasion une verrine de concombre, pomme et huître avec une émulsion iodée.

« C’est important de montrer aux gens qu’on peut facilement récupérer des produits en fin de vie, pas commercialisables. Il y a tellement de jolies soupes à faire avec des fruits et légumes abîmés. Il suffit parfois de tailler les légumes autrement, d’amener une herbe, d’accommoder les restes, pour faire de belles choses ».

De l’autre côté du grand chapiteau, le chef Franck Descas du restaurant L’Atelier de Franck, a hérité de 10kg de poivrons, qu’il taille consciencieusement. Il a dans l’idée de réaliser une ratatouille, une salade de crudités, et pourquoi pas une soupe poivron/fraise. En tant que restaurateur, il est confronté tous les jours à la question du gaspillage.

« C’est un challenge perpétuel. On ne veut rien jeter, et pas seulement par souci de rentabilité. La chasse au gaspillage nourrit aussi notre créativité en cuisine. Je n’ai qu’un conseil à donner aux gens que je croise aujourd’hui : n’achetez que ce dont vous avez besoin ». Tellement évident. Mais tellement loin de la réalité quand on voit les chariots des « ménagères » remplis de denrées dont le quart finira à la poubelle.

Je suis attirée par une étrange marmite où mijotent tranquillement… des radis. C’est Jean-Luc Beaufils, chef du restaurant L’Air de Famille, qui prépare une barigoule de radis et artichaut, au curry et jus d’orange. Un peu dubitative, je goûte. Wow pas mal du tout. A servir chaud ou froid (avec le bouillon) en entrée ou pour accompagner un poisson l’été.

« Je suis plutôt connu pour la tête de veau et la terrine de cochon, mais j’adore travailler les légumes. Quand Olivier m’a appelé, j’ai tout de suite répondu présent. En cuisine, rien ne se perd, tout se transforme. Avec une queue de persil, on fait un jus, avec un bout de lardon, on assaisonne une cuisson. Avec le vert du fenouil, on fait un gaspacho. Même les épluchures, si elles ne sont pas imprégnées de saloperies – entendez des pesticides – on en fait une soupe. Les gens ont trop souvent peur de se lancer en cuisine ». Et pour accompagner sa barigoule, Jean-Luc servira de jolie galettes réalisées avec des restes de riz trop cuit, mélangé à de l’œuf et du persil. Notez l’idée gentes dames.

A l’issue de ce banquet, je peux désormais vous énoncer les précieux commandements du parfait anti-gaspilleur alimentaire :

– élaborez vos menus à l’avance et les listes de courses qui vont avec
– n’achetez que ce dont vous avez besoin
– vérifiez bien les dates limite de consommation
– rangez bien votre réfrigérateur
– cuisinez les restes
– et congelez si besoin.

Vous aurez déjà fait un bon bout de chemin.

Pardon ? Je lis dans vos pensées (un poil négatives) « mais à notre échelle, cela ne changera pas grand chose… regardez plutôt tout ce que jettent les supermarchés… ». Justement ! Les choses bougent. Dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, l’Assemblée Nationale a voté ce jeudi 21 mai trois amendements qui interdisent à la grande distribution de jeter leurs invendus. Les moyennes et grandes surfaces devront désormais passer des conventions avec les associations afin de faciliter les dons alimentaires. A priori la plupart d’entre elles le faisaient déjà, mais la loi permettra de mettre en place plus facilement toute la logistique qui va avec.

Et notre Olivier, a-t-il finalement remporté Intervilles ? Oui ! Plus de 8300 portions de nourriture invendue ont été servies en quelques heures ce mercredi 3 juin 2015. Quelle sera la prochaine ville à relever le défi?

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  • edf service client 8 juillet 2015 at 12 h 42 min

    Ça a l'air délicieux!